L’importance de la Sunna dans la législation islamique
La fonction de la Sunna vis-à-vis du Coran.
Vous savez tous qu’Allah a élu Muhammad
صلى الله عليه وسلم en le gratifiant de la prophétie et qu’Il l’a distingué en lui confiant Son message. Il a donc fait descendre sur lui Son livre, le Noble Coran, dans lequel Il lui a ordonné -entre autres commandements- de l’expliquer aux gens. Ainsi a-t-Il dit :
« ... et Nous avons fait descend sur toi le Coran afin que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour eux... » [
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Mise en évidence qui, selon moi, est de deux sortes :
a) La première est celle du texte et de ses règles, autrement dit : la transmission du Coran sans en cacher la révélation et sa récitation à la communauté tel qu’Allah le lui a révélé. Ce qui correspond à la signification du verset dans lequel nous pouvons lire :
« Ô Messager ! Transmets ce qui t’a été descendu de la part de ton Seigneur. Si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son Message... » [
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‘Â’isha (qu’Allah l’agrée)a d’ailleurs dit dans l’un de ses hadiths :
« Celui qui vous relate que Muhammad a dissimulé une chose qu’il avait reçu l’ordre de transmettre a proféré là un énorme mensonge. » Suite à quoi elle a cité le verset ci-dessus mentionné. Une version de l’Imâm Muslim rapporte cet autre propos de ‘Â’isha (qu’Allah l’agrée) :
« Si vraiment le Messager d’Allah صلى الله عليه وسلم avait voulu dissimulé une chose qu’il avait reçu l’ordre de transmettre, il aurait caché la parole d’Allah suivante : « Quand tu disais à celui qu’Allah avait comblé de bienfait, tout comme tu l’avais comblé : « Garde pour toi ton épouse et crains Allah », et tu cachais en ton âme ce qu’Allah allait rendre public. Tu craignais les gens et c’est Allah qui est plus digne d’être craint... »b) La seconde est celle du sens des mots, des phrases ou des versets que la communauté a besoin de voir explicités. Ce qui a lieu le plus souvent avec les versets à signification sommaire (
Al Mujmal), générale (
Al ‘Âmm) et absolue (
Al Mutlaq) que la Sunna se charge respectivement d’expliciter, de spécifier et de restreindre. Et ces trois opérations se font par le biais de la parole du Prophète, de sa pratique ou de son approbation. Le verset dans lequel Allah nous dit :
« Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main... » [
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illustre très bien ce point. En effet, le terme
« As-Sâriq » a, tout comme le terme
« Al Yad », une portée absolue. Dans le premier cas, c’est la Sunna orale qui est venue clarifier cette portée en la restreignant au
« voleur qui dérobe le quart d’un dinar ». Le Prophète
صلى الله عليه وسلم dit ainsi :
« La main n’est coupée que pour le vol d’un quart de dinar et plus ». [
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C’est également la Sunna -par le biais de la pratique et de l’approbation du Prophète
صلى الله عليه وسلم ou de la pratique des compagnons- qui a explicité celle du second terme puisque ces derniers avaient en effet pour usage de couper la main du voleur au niveau du poignet ainsi que cela est bien connu dans les ouvrages de hadiths. Et c’est encore elle qui a clarifié le sens du terme
« Al Yad » cité dans le verset du Tayammum :
« ...et passez-vous-en sur le visage et les mains... » [
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en précisant qu’il s’agit bien de la main. Le Prophète dit à ce propos :
« Le Tayammum consiste à frapper une fois [la terre] pour le visage et les mains (Al kaffayn) » .Et voici d’autres versets qu’il est impossible de comprendre correctement sans recourir à la Sunna :
1) « Ceux qui ont cru et n’ont troublé la pureté de leur foi d’aucune injustice (zulm), ceux-là ont la sécurité et ce sont eux les bien-guidés. » [
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Il s’avère que les compagnons comprirent
« Az-Zulm » au sens général du terme qui englobe tous les types d’injustices, fussent-elles mineures. Ainsi dirent-ils au Prophète
صلى الله عليه وسلم :
« Ô Messager d’Allah ! Qui d’entre nous n’a pas entaché sa foi de quelque injustice ? » Et celui-ci de leur répondre : « Il ne s’agit pas de cela, mais uniquement de l’associationnisme (Ash-Shirk). N’avez-vous donc pas entendu la parole de Luqmân : « Ô mon fils ! Ne donne pas d’associé à Allah car l’associationnisme est vraiment une énorme injustice » [
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2) « Et quand vous parcourez la terre, ce n’est pas un péché pour vous de raccourcir la prière si vous craignez que les mécréants ne vous mettent à l’épreuve... » [
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Le sens apparent du verset indique ici que le raccourcissement de la prière en voyage est conditionné par l’existence d’une situation de peur et d’insécurité. C’est ce qui explique que certains compagnons interpellèrent le Prophète
صلى الله عليه وسلم en lui disant :
« Qu’avons-nous à écourter [les prières] alors que nous vivons [à présent] en sécurité ? » Ce à quoi le Prophète صلى الله عليه وسلم répondit : « C’est là une aumône de la part d’Allah. Acceptez donc Son aumône. » [
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3) « Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang... » [
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Dans ce cas, la Sunna a mis en évidence le statut licite lié à la consommation du criquet et du poisson retrouvés mort et, en ce qui concerne le sang, de celle du foie et de la rate. Le Prophète
صلى الله عليه وسلم dit ainsi :
« Deux bêtes mortes et deux « sangs » nous ont été rendus licites : le criquet et le poisson, ainsi que le foi et la rate ». [
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4)
« Dis : « Dans ce qui m’a été révélé, je ne trouve rien dont la consommation a été interdite à qui que ce soit si ce n’est la bête trouvée morte, le sang qu’on a fait couler, la chair de porc -car c’est une souillure- ou ce qui par perversité a été sacrifié à autre qu’Allah... » [
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C’est la Sunna qui est ensuite venue stipuler l’interdiction relative à des aliments non évoqués dans ce verset. Ainsi le Prophète
صلى الله عليه وسلم a-t-il dit :
« tous les prédateurs à défenses et tous les oiseaux à serres sont illicites » . D’autres hadiths contenant cette interdiction existent comme celui dans lequel le Prophète
صلى الله عليه وسلمnous dit :
Allah et Son Messager vous proscrivent les ânes domestiques car ils sont malsains ». [
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5) « Dis : « Qui a interdit la parure qu’Allah a produite pour Ses serviteurs ainsi que les bonnes nourritures... » [
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Là encore, la Sunna a mis en évidence que tout n’est pas permis en termes de parure. Il est en effet avéré que le Prophète
صلى الله عليه وسلم sortit un jour au devant de ses compagnons avec de la soie dans une main et de l’or dans l’autre, et qu’il leur dit :
« Ces deux choses sont illicites pour les hommes de ma communauté et autorisées pour leurs femmes » .
Sachant que les hadiths allant dans ce sens abondent et sont bien connus dans les deux
« Sahîhs » et dans les autres ouvrages.
Bien d’autres exemples, connus des spécialistes du hadîth et de la jurisprudence, existent à ce niveau. Et ce qui précède nous met clairement en évidence l’importance de la Sunna dans la législation islamique. Ainsi, lorsque l’on s’attarde sur les exemples précédemment cités -sans parler de ceux que nous n’avons pas évoqués- on acquiert la certitude qu’il est impossible de parvenir à une compréhension [correcte] du Coran sans recourir simultanément à la Sunna.
Dans le premier cas, on s’aperçoit en effet que les compagnons ont compris le terme
« Az-Zulm » selon sa signification apparente. Et même s’ils étaient -ainsi que les a décrits Ibn Mas‘ûd-
« les plus éminents et les plus vertueux membres de la communauté, ceux dont la connaissance était la plus profonde et qui s’imposaient le moins de choses », ils ont buté sur ce terme dont ils ont eu une compréhension erronée.
Ne fut-ce donc la présence du Messager
صلى الله عليه وسلم qui les corrigea et les guida vers la véritable signification de cette
« injustice » qui désigne ici l’associationnisme, nous leur aurions emboîté le pas et aurions commis la même erreur. Mais Allah nous a préservé d’une telle chose grâce à l’orientation du Prophète
صلى الله عليه وسلم et de sa Sunna.
De même pour le second exemple : ne fut-ce le hadith que nous avons cité, nous resterions au minimum perplexes quant à la possibilité, en voyage, d’écourter les prières en temps de paix et de sécurité. Nous serions peut-être même allés jusqu’à conditionner cette pratique à la peur et l’insécurité, ainsi que cela apparaît à première vue dans le verset et ainsi que l’auraient compris les compagnons s’ils n’avaient pas vu le Prophète -et eux avec lui- agir de la sorte en temps de paix.
L’absence du hadith [que nous avons cité] dans le troisième cas nous aurait ici amenés à déclarer illicites des «
bonnes choses » qui nous sont pourtant autorisées, à savoir : le criquet et le poisson d’une part, et le foie et la rate d’autre part. Et de la même façon, sans les hadiths mentionnés dans le quatrième exemple, nous aurions déclarés cette fois licites des choses qu’Allah nous a proscrites par le biais de Son Messager
صلى الله عليه وسلم, à savoir : les prédateurs à défenses et les oiseaux à serres. Idem enfin dans le dernier exemple où nous aurions permis le port de la soie et de l’or.
Et c’est d’ailleurs de là que vient cette formule en usage chez les salafs qui disaient :
« La Sunna statue sur le Livre ».
L’égarement de ceux qui se contentent uniquement du Coran au détriment de la Sunna
Il est cependant attristant de constater que certains exégètes et auteurs contemporains en arrivent, en se fondant uniquement sur le Coran, à juger licite la consommation des prédateurs à défenses ainsi que le port de l’or et de la soie. Plus attristant encore est l’existence, actuellement, d’un groupe dont les membres s’auto désignent par l’appellation
« Al Qur’âniyyûn » et dont la démarche consiste à interpréter le Coran sur la seule base des passions et de la raison, sans recourir pour cela à la Sunna authentique. Celle-ci est donc subordonnée chez eux à leurs passions. Qu’elle concorde avec leur opinion et ils s’y agrippent ; mais qu’il n’en soit pas ainsi et ils la rejettent.
Or, on serait presque tenté d’affirmer que c’est à cette tendance que le Prophète
صلى الله عليه وسلم faisait allusion lorsqu’il a dit :
« Que je ne trouve personne qui, allongé sur son divan et recevant un ordre ou une interdiction de ma part, réponde en disant : « Nous suivons ce que nous trouvons dans le Livre d’Allah » . [
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Une version d’un autre rapporteur mentionne que le Prophète
صلى الله عليه وسلم a dit :
« ...« Ce que nous y trouvons d’illicite nous le déclarons illicite. » [Que l’on sache] que j’ai reçu le Coran et son équivalent avec ».
Une troisième version précise enfin qu’il a ajouté :
« Certes, ce que le Messager d’Allah déclare illicite est identique à ce qu’Allah déclare illicite ».